Écran philosophique

Construction de soi et l’événement

Mardi 18 mai 2004 à 20 h 30

par Alain Badiou, philosophe, dramaturge, romancier, enseignant de philosophie à l’École Normale Supérieure, directeur de recherche au collège international de philosophie ;
Jean-Pierre Zarader, philosophe, directeur de collection aux éditions Ellipses
en présence du réalisateur, Hugo Santiago

Le loup de la côte ouest , de Hugo Santiago (Argentine, Portugal - 2002 - 2 h 12)

De la côte ouest des Etats-Unis à celle de l’Europe, un détective privé tente de résoudre une énigme qui lui fait remonter le temps. Un faux polar qui se transforme en une vertigineuse histoire.

Lew Millar, un célèbre détective privé de la côte ouest des Etats-Unis, vient en France à la demande de Nick Nemo, un vieil Américain installé depuis vingt ans à Biarritz. Nick Nemo se sait menacé et veut absolument que Lew Millar assure en personne sa protection. Le détective n’en est plus à jouer au garde du corps, mais d’autres raisons le poussent à accepter. Quand il arrive devant la villa, Nick vient juste d’être assassiné. Lew Millar tient son enquête.

Hugo Santiago s’était juré "de ne plus jamais faire de vastes films de fiction dans l’industrie". "La Terrible Fiction" l’a rattrapé. Avec son ami Santiago Amigorena, il a co-écrit un scénario inspiré d’une brève nouvelle de Ross McDonald.

Le film se présente comme un polar, mais il ne faut pas longtemps pour comprendre que l’énigme policière est surtout un prétexte. Les personnages se multiplient, sans que leur véritable rôle ne se dévoile. Il y a Harry Nemo, le frère de Nick, sa femme, une ex-policière, Jeanne, leur fille sensuelle et délurée. Millar retrouve également Maï, fille d’un officier américain mort à Saïgon et d’une mère française, tous deux amis de Lew Millar. Tous ces personnages, unis par des liens complexes, replongent le vieux détective dans son passé.

Ils constituent également les matériaux qui permettent à Hugo Santiago de balayer une large palette de thèmes en un seul récit. Parmi ceux-ci, on peut citer la fixation fantasmatique d’une certaine image érotique, son rapport à l’amour, sa persistance dans le temps. Le loup de la côte ouest nous entraîne également au c|ur des conflits du XXe siècle, lorsque les héros ne sont pas sur les champs de bataille.

Le loup de la côte ouest apparaît comme un exutoire qui laisserait libre cours à une pure jouissance narrative. Hugo Santiago aime à se définir comme un conteur. Cette dimension est poussée à son paroxysme dans ce film qui emmêle les procédés narratifs.

L’histoire se raconte bien sûr avec les moyens traditionnels du cinéma, à commencer par la mise en place d’une intrigue policière, comme un appât qui emmènerait le spectateur dans des directions imprévues. Mais dès le début du film, une vieille conteuse apparaît, doublant l’intrigue en voix off comme pour l’envelopper d’un peu plus de mystère. Elle évoque ses souvenirs comme s’ils étaient écrits dans un livre, si bien que le spectateur a l’impression de voir l’histoire de Lew Millar autant que de la lire. La mise en abyme qui conclut le film accentue cet étrange mélange des genres, comme un pied de nez à la tradition narrative. Curieux et déroutant.

Laurence Mondy

Informations

Au cinéma Georges-Méliès
Centre commercial de la Croix-de-Chavaux
93100 Montreuil

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