The Artificial Kid
Résidence curatoriale 2022

Elsa Vettier - The Artificial Kid

De janvier à décembre 2022

Résidence 2022 du Centre d’art : Elsa Vettier, commissaire d’exposition

En 2022, la commissaire d’exposition Elsa Vettier sera en résidence curatoriale à la Maison populaire de Montreuil pour présenter le cycle d’expositions The Artificial Kid. Au programme de ce cycle, 3 expositions, dont le premier volet, « Aquarium », sera exposé du 26 janvier au 23 avril 2022.

Note d’intention

Arti, un enfant vieux de plusieurs centaines d’années, a pris l’habitude de filmer le moindre de ses faits et gestes à l’aide de caméras-bourdons qui flottent en permanence autour de lui. À l’issue de chacune de ses péripéties, il monte ses bandes de films – ne gardant que les scènes qui le mettent en valeur – et les diffuse à ses fans, qui n’en perdent pas une miette. Arti est un gamin, une célébrité. Un jour, des milices s’en prennent à lui ; il est au parfum d’un secret qui pourrait compromettre le gouvernement. Arti disparaît de la surface médiatique. Il va vivre des aventures dont il doute de la véracité, puisqu’elles ne sont pas filmées, avant d’être sevré des hormones précieuses qui lui donnent ses airs de « kid ». Il entreprend alors une douloureuse mutation – l’adolescence – qui modifiera à jamais son apparence. Lorsqu’il retrouve finalement ses caméras, une inquiétude demeure ; et si ses fans ne le reconnaissaient plus ?

The Artificial Kid de Bruce Sterling est un roman de science-fiction paru en 1980. Il se déroule sur la planète Rêverie où évoluent des personnages technologiquement modifiés dont on ne compte plus les années. Si j’ai choisi d’emprunter à l’ouvrage son titre, le cycle d’expositions en trois volets que je propose à la Maison Populaire n’a pas grand-chose à voir avec l’anticipation, ni avec la science-fiction, si ce n’est celle qui s’est déjà réalisée. La recherche constante de visibilité, le livestream de soi, les relations paradoxales entre voir, être vu·e·s, et pouvoir – tels que les expérimente Arti – n’ont rien de prophétique. Le gamin artificiel a, comme nous toustes, pris en charge sa propre surveillance ; elle le récompense autant qu’elle le punit. Il a ringardisé le panoptique [1] : l’espace depuis lequel on le voit est le même que celui au sein duquel il se montre. Sa patrouille est intérieure, sa sécurité globale, il l’a dans la peau. Arti incarne l’enfance d’un certain ordre, jusqu’à ce que l’adolescence vienne brouiller sa célébrité et déjouer son propre fichage.

Ce cycle d’expositions et d’événements s’inspire de l’arc narratif du roman afin d’envisager la « surveillance subie et agie, consommée et performée [2] , les régimes de visibilité dont nous faisons l’expérience, leurs relations avec notre capacité d’action, l’entrelacement de logiques de contrôle et de séduction. La Maison Populaire de Montreuil, dont le public et les adhérent·e·s sont en grande partie des enfants et où les adolescent·e·s sont considéré·e·s comme des adultes à partir de 13 ans, est un lieu particulièrement opérant pour questionner la soustraction à la surveillance parentale et l’intériorisation d’un regard insituable. Prenant appui sur le fonctionnement même du centre d’art dont l’identité artistique se révolutionne chaque année, ne dessinant aucune ligne particulière si ce n’est celle d’être toujours méconnaissable, « The Artificial Kid » envisage les manières possibles de se soustraire à cette monstration de soi par l’illisibilité de nos attitudes, l’opacité de nos traces. Car « The Artificial Kid » est avant tout une histoire de mutation et de mue, de devenir autre – petit ou grand –, d’artificialité de soi.

Elsa Vettier

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02. Elsa Vettier, commissaire en résidence
© Rebecca Topakian

Biographie d’Elsa Vettier

Elsa Vettier est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante.
Formée à l’Ecole du Louvre et à l’Université d’Essex (Royaume-Uni), elle collabore régulièrement avec des revues spécialisées dont Zérodeux, Critique d’Art, etc.

Ses projets curatoriaux et éditoriaux émergent au contact des artistes et embrassent une pluralité de formats : entre exposition-performance (« Extasis Casual », avec Samuel Nicolle et Clara Pacotte, In-box Bruxelles, 2019), entretien-fiction (Saint-Pierre-des-corps, avec Jean-Charles de Quillacq, éd. Sombres Torrents, 2020) et collaborations radiophoniques (LL Drops, avec Kevin Desbouis, Julie Sas et Fabien Vallos, *DUUU radio, 2020). Elle mène également un travail d’accompagnement des artistes dans des contextes de résidences (Les Chantiers, La Malterie…) et au sein d’écoles d’art. Elle est actuellement en 2021 en résidence à la Cité internationale des arts.

The Artificial Kid

Identité graphique – Julie Héneault et l’Espace Ness

L’identité mouvante du centre d’art de la Maison Populaire de Montreuil – qui change de direction artistique tous les ans – a inspiré à Julie Héneault un ensemble graphique composé de plusieurs strates provenant d’anciennes affiches de la Maison Populaire.
Elle emprunte à la campagne « La culture ce n’est pas du luxe » réalisée par Gérard Paris-Clavel, ses épaisses bordures et à l’affiche de l’exposition « Infographie » de 1986 son œil irisé, rappelant le logotype de la première télé-réalité française, Loft Story. En guise de trame de fond, la liste des 200 hits les plus « streamés » de la semaine encapsulent une idée fugace de la célébrité et de l’hyper visibilité. Ce hit-parade est extrait au moment où les visuels sont créés et évolue au fil de l’année. Au centre du carré aux bordures noires – cadrage Instagram – se superposent tests d’optométries et images liées à la reconnaissance faciale ou biométrique. La typographie dessinée par Maxime Selin est issue d’un formulaire covid passé et repassé à la photocopieuse et dont l’encre s’est partiellement retirée au point de le rendre illisible de près. Elle est libre de droits et téléchargeable ci-dessous.

Notes

[1Le panoptique est un type d’architecture carcérale imaginée au XVIIIe siècle dans l’objectif de permettre à un•e gardien•ne d’observer tous les prisonnier•e•s au sein d’une tour centrale sans que qu’il•elle•s se sachent observé•e•s. Le philosophe et historien Michel Foucault, dans Surveiller et punir (1975), en a fait le modèle d’une société disciplinaire, axée sur le contrôle social.

[2Olivier Haïm, « 20 ans après : Loft Story comme révélateur de la « culture de la surveillance », AOC, avril 2021 »

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