Montreuil, une carte figurée, images d’un territoire.
du 12 mars au 15 septembre 2003
En lien avec le séminaire animé par Jean-François Chevrier, cette exposition réunit les photographies réalisées par les artistes lors des visites sur le territoire de Montreuil.
La cartographie figurée en photographies constituera un fonds d’images, mais aussi le fond, contexte ou environnement imaginaire, sur lequel pourront venir se former les figures mises en place pour la manifestation de 2004.
Rencontres avec les habitants
Plutôt que de proposer un discours sur l’art contemporain ou sur les usages sociaux de l’art, l’exposition constituera un espace public, conjuguant le débat, l’échange verbal avec des données visuelles rendues effectivement publiques.
Du mois de mars au mois de juin, chaque mercredi donnera lieu à une rencontre entre les habitants, les artistes et les responsables du projet. Il ne s’agira pas seulement de lire les images produites, mais de découvrir et de discuter la façon dont elles ont été prises et fabriquées, d’entrer dans leur production.
Tous les séminaires à la Maison populaire
Mercredi 20 octobre 2004
Exposition Projection d’un territoire (1/7)
Première séance consacrée à l’exposition Projection d’un territoire. En présence de Florence Balboni, Odile Devouge, Anaïs Masson, Anissa Michalon, Ludovic Michaux, Maxence Rifflet, Claire Soton et Claire Tenu.
« Plus qu’une synthèse, l’exposition Projection d’un territoire est une forme. Huit séquences d’images, projetées en diapositives et déployées dans l’espace, se succèdent sur le modèle du cinéma muet. Chaque séquence occupe l’ensemble de l’espace d’exposition. Le dispositif associe simultanément le montage dans le temps – la succession des images sur un même projecteur – et dans l’espace – la co-présence de plusieurs images. Les séquences hétérogènes dans leur forme et dans leur contenu s’enchaînent en relation les unes avec les autres. Cette proposition n’est pas une exposition collective mais l’exposition d’un collectif, un récit à plusieurs voix. L’urbain et la photographie associés représentent pour nous la rencontre possible d’une objectivité documentaire – héritée du principe optique à l’origine de la photographie – et d’une expérience poétique de projection dans le monde. »
Histoire d’un projet
En mars 2002, la Maison populaire propose au collectif « Des territoires » un projet d’intervention dans l’espace public de la ville de Montreuil qui prendrait la forme de projections nocturnes sur les murs de la ville, créant un parcours déambulatoire. Pour répondre à cette invitation, nous n’avons pas cherché à mettre en œuvre immédiatement la forme proposée. Nous avons préféré une procédure de travail qui prenne en compte les spécificités de Montreuil et qui permette à des habitants de s’y impliquer.
Un travail documentaire et une réflexion sur le territoire urbain ont fait apparaître des thématiques qui interrogent l’actualité d’une ville historique. Montreuil est communiste depuis 1935. L’imaginaire urbain est empreint de cette histoire politique qui explique l’engagement de la municipalité dans le développement et la démocratisation de l’enseignement. Les transformations actuelles du Bas-Montreuil, aux portes de Paris, montrent la tension entre cette culture politique et la pression foncière exercée par la métropole sur sa proche banlieue. La même difficulté sous-tend le débat sur le devenir des trente-cinq hectares de « murs à pêches » en friche, témoins d’un passé horticole à l’origine du parcellaire de la ville. Le territoire est également marqué par l’histoire ouvrière, comme en témoignent les dernières usines du Bas-Montreuil et les formes hétéroclites de pavillons construits par des familles d’ouvriers en bâtiment venus du sud de l’Europe. Enfin, Montreuil réunit la première communauté malienne de France ; la logique migratoire encouragée par l’État et le patronat dans les années soixante, avant la « fermeture des frontières » en 1974, se prolonge aujourd’hui à partir des structures villageoises.
Refusant de se limiter à un traitement documentaire de ces questions, nous avons provoqué, à partir de septembre 2003, des situations d’échange et de travail avec des habitants, des associations et des établissements scolaires. Notre intention n’était pas de « faire parler » les habitants ni de les représenter. Nous voulions mettre au jour des figures significatives et expressives du territoire, peut-être même transcrire, sinon incarner, la parole dans l’image. Cette visée qui suppose une recherche formelle autant qu’un dialogue de terrain a donné lieu à quatre expositions successives avant celle-ci.
Exposition Projection d’un territoire : Florence Balboni, Odile Devouge, Anaïs Masson, Anissa Michalon, Ludovic Michaux, Maxence Rifflet, Claire Soton et Claire Tenu.
Projet réalisé sur une idée de Jean-François Chevrier, avec la collaboration de Patrick Faigenbaum et Marc Pataut, coordonné par Maxence Rifflet.
Mercredi 17 novembre 2004
Exposition Projection d’un territoire (2/7)
Anissa Michalon et Claire Soton présenteront le travail mené en collaboration avec Sékou Bathily et des habitants du foyer Rochebrune à Montreuil, émigrés pour la plupart du village de Bada au Mali. En présence de Sékou Bathily.
L’exposition Projection d’un territoire est un montage dans le temps et dans l’espace de neuf séquences d’images projetées en diapositives, et accompagnées d’une bande sonore (voix et musique). Cette installation conjugue le modèle du cinéma et celui de l’accrochage.
Texte introductif à la séquence « Sékou Bathily, entre le foyer Rochebrune et le village de Bada » :
« Au foyer Rochebrune, réside une communauté d’hommes issus d’un même village malien soninké : Bada, à l’ouest de la ville de Kayes et à 60 km de la frontière sénégalaise. Sékou Bathily nous a montré Bada à travers ses photographies. La première image que nous avons vue est celle d’un grand arbre sur une place. Sékou y associe un récit fondateur. Il déduit de la taille et de l’essence de l’arbre que sa présence est antérieure à celle du village. De la même manière, trois pierres disposées en cercle dans la brousse marquent l’emplacement d’un foyer et lui rappellent un village abandonné. Les migrants vivent dans une tension entre le désir de maintenir le village, de consolider ses structures grâce à l’œuvre collectif de leur association et la crainte du vide que génère leur absence. Les images que nous avons rassemblées, les paroles fragmentaires entendues et le récit que nous avons recueilli, se mêlent et dessinent un espace mental qui déborde les contingences du foyer. Le territoire de l’enfance et le mythe y creusent en profondeur le présent. »
Anissa Michalon et Claire Soton reviendront également sur l’ensemble de leurs tentatives de travail à Montreuil, notamment celle menée auprès des femmes de l’Association des femmes maliennes de Montreuil dans le cadre d’un atelier couture hebdomadaire.
Exposition Projection d’un territoire : Florence Balboni, Odile Devouge, Anaïs Masson, Anissa Michalon, Ludovic Michaux, Maxence Rifflet, Claire Soton et Claire Tenu.
Mercredi 11 février 2004
Art en collaboration, et/ou autonomie de l’image ? (3/7)
le collectif Des territoires propose une réflexion autour de la question : Art en collaboration, et/ou autonomie de l’image ?
Présentation du film de Marc Pataut réalisé lors de l’exposition « Des territoires » présentée à l’Ensba entre septembre et décembre 2001, Des territoires, 31’23’’, 2003
Présentation du projet du collectif avec le musée du Louvre,
Présentation des conditions de production des travaux menés en collaboration présentés dans l’exposition (Anaïs Masson et Maxence Rifflet à Marseille et à Tanger, Florence Balboni et Odile Devouge à La-Plaine-Saint-Denis, Nathalie Ripoll à Pantin).
Cette discussion sera ensuite orientée autour du projet d’intervention dans l’espace public mené à Montreuil par le collectif « Des territoires », qui conjugue une production en collaboration avec des habitants et la présentation dans l’espace public d’images autonomes issues de ces collaborations.
Mercredi 10 mars 2004
Femmes d’ici et d’ailleurs (4/7)
Séance animée par Anissa Michalon, Claire Soton, Odile Devouge et Florence Balboni.
Ensemble, nous essaierons d’esquisser des images de femmes qui vivent l’exil, de la variété de leurs parcours et de la complexité de leurs destins.
« Les femmes migrantes sont en continuel changement. Nous restons fascinés par leurs destins et leur créativité. La plupart du temps, elles arrivent à échapper aux modèles réducteurs qui opposeraient les femmes occidentales « libérées » aux femmes traditionnelles « soumises ». En fonction de leurs personnalités, de leurs milieux, de leurs possibilités, elles construisent des trajectoires singulières, riches et complexes, tentant d’échapper à la dichotomie et au réductionnisme. […] Pour nous, ces trajectoires sont autant de mythes humains, autant de métamorphoses, preuves des capacités de bricolage de l’esprit humain. De nouvelles formes de l’imaginaire… et surtout du réel ! » Extrait de Marie-Rose Moro, Enfants d’ici venus d’ailleurs, naître et grandir en France, éditions La Découverte, 2002.
Séance en présence de :
Oumou Kanté, Africaine aux trois nationalités – malienne, mauritanienne et sénégalaise –. Elle a fondé l’association Norabasso à la Grande Borne à Grigny en 1997. Cette association apporte son soutien aux femmes et aux familles en difficulté. Elle organise notamment des débats mensuels autour de questions de société qui les touchent. Sur trois ans, elle a réalisé la construction d’un puits dans le village de Takony au Mali qui engageait des villageois et des adolescents de la Grande Borne accompagnés de bénévoles. Oumou Kanté insiste sur la nécessité que des éducateurs et des enseignants d’ici fassent le voyage et découvrent le pays d’origine des parents. L’association n’a pas pour objectif l’assistance. Elle invente une position originale sans rupture avec l’histoire et la culture des migrants qui nous invite à repenser la notion d’intégration.
Awa Kamara, médiatrice de l’Association des femmes maliennes de Montreuil.
Mme Kenya, Elise Kabanga et Mariam Coulibaly de l’Association A ma joie, association de femmes du Congo démocratique, La Grande Borne, Grigny.
Fatoumata Tourré, en charge auprès du Haut conseil des Maliens de l’extérieur de la réinsertion des migrants qui retournent au Mali et membre de l’Association de femmes maliennes « Djigui Espoir » de Vigneux.
Les femmes de l’atelier d’aquarelle de la Plaine Saint-Denis qui travaillent avec Odile Devouge et Florence Balboni du collectif Des territoires.
Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue et chercheuse à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, auteur d’un livre intitulé Le féminin. Vous pouvez écouter sa chronique chaque matin sur France Culture à 7h15.
« Historiquement et sociologiquement, la place traditionnelle des femmes dans la famille, conspuée par le féminisme de combat, leur distance vis-à-vis du politique, est une condition de possibilité pour l’expression de cette posture particulière, celle qui refuse le choix manichéen d’un unique camp, celle qui refuse de voir de la beauté dans la haine. La distance au politique n’est pas seulement ici le produit de l’impuissance féminine, elle est une production du jugement critique. En vérité, les femmes sont les mieux placées pour poser la question du lien dans les rapports sociaux, non seulement parce qu’elles sont exclues du politique, mais surtout parce que la constitution de ce lien les concerne : il est l’objet central de leurs gestes « féminins », dans leur fonction socialement reconnue au sein de la famille et au centre de la maison. » Extrait de Véronique Nahoum-Grappe, Le Féminin, Paris, Hachette, 1996.
Mercredi 24 mars 2004
L’habitat pavillonnaire (5/7)
Séance animée par Claire Tenu. En présence de Véronique Vergès, Anne d’Orazio et Luc Baboulet.
Véronique Vergès, chargée de mission au service Etudes habitat de la ville de Montreuil. Elle a mené pour le CAUE une étude sur le pavillonnaire en Seine-Saint-Denis ; elle interviendra notamment sur les projets urbains menés dans des zones d’habitat pavillonnaire à Montreuil.
Anne D’Orazio, architecte, parlera plus particulièrement du site en bordure de Bagnolet dans le bas du parc des Guilands, sur lequel elle mène actuellement une étude.
Luc Baboulet, professeur à l’Ecole d’architecture de Marne-la-Vallée. Il présentera une évolution de l’idée domestique dans les utopies architecturales.
Le contraste, disions-nous, entre « l’habitat pavillonnaire » et les grands ensembles est saisissant. Précisons quelques aspects de cette confrontation. Dans le pavillon, d’une façon sans doute mesquine, l’homme moderne « habite en poète ».
Entendons par là que son habiter est un peu son œuvre. L’espace dont il dispose pour l’organiser selon ses tendances et selon ses rythmes garde une certaine plasticité. Il se prête aux aménagent nts. Ce n’est pas le cas de l’espace fourni aux locataires ou aux co-propriétaires dans un ensemble ; cet espace est rigide, dépourvu de souplesse. Les aménagements y sont difficiles, souvent impossibles, presque toujours interdits. L’espace pavillonnaire permet une certaine appropriation par le groupe familial et par les individus de leurs conditions d’existence. Ils peuvent modifier, ajouter ou retrancher, superposer à ce qui leur est fourni ce qui vient d’eux : symboles, organisation. Leur environnement prend ainsi du sens pour eux ; il y a système de signification, et même double système : sémantique et sémiologique, dans les mots et dans les objets.
Henri Lefebvre, « Introduction à l’étude de l’habitat pavillonnaire », texte de 1966, paru dans L’Habitat pavillonnaire, de Nicole Haumont, M.G. Raymond, Henri Raymond, aux éditions du C.R.U., Paris, 1967 ; texte repris dans l’ouvrage Villes et civilisation urbaine XVIIIè – XXe siècle, sous la direction de Marcel Roncayolo et Thierry Paquot, chez Larousse, collection « Textes essentiels », 1992, p. 483-497.
Mercredi 7 avril 2004
Les transformations du Bas-Montreuil (6/7)
Dans le cadre du projet du collectif Des territoires à Montreuil, séance animée par Florence Balboni et Nathalie Ripoll, avec la participation de Thibaut de Laleu, Jean-Louis Husson et Catherine Pilon.
En interrogeant les rapports entre espaces publics et espaces privés, quelles réflexions mener sur les transformations du Bas-Montreuil et quelles formes produire ? Comment l’évolution des formes de travail s’inscrit dans la représentation du territoire du Bas-Montreuil ?
Thibaut de Laleu, Responsable du développement économique de la ville de Montreuil. Il fera le point sur l’installation des nouvelles entreprises et l’arrivée des nouveaux salariés dans le Bas-Montreuil.
Jean-Louis Husson, économiste urbain. Il parlera d’une étude économique qu’il a menée en 1989-1990 sur le Bas-Montreuil.
Catherine Pilon, habitante du Bas-Montreuil, parlera des images qu’elle a réalisées dans son quartier.
Mercredi 16 juin 2004
Le territoire des murs à pêches (7/7)
Dans le cadre du projet du collectif Des territoires à Montreuil, présentation par Anaïs Masson et Odile Devouge de leurs travaux en cours et discussion avec Christian Speissmann et Martine Sciarli-Valazza.
Témoins du passé horticole de Montreuil, les parcelles de murs à pêches ont structuré la ville. Dans le quartier Saint-Antoine, des espaces demeurent non urbanisés et constituent un territoire bien spécifique. La fin de l’activité arboricole à partir des années 1970-80 et la non-urbanisation du site ont permis à des habitants de s’approprier des espaces en friche, que ce soit pour trouver un lieu de vie, faire pousser des légumes ou tenter d’inventer des pratiques collectives. C’est dans cet espace des possibles, chargé d’histoire mais aussi de tensions, qu’Anaïs Masson et Odile Devouge font des images et proposent à des habitants parfois étrangers au site d’en faire.
Séance animée par Anaïs Masson et Odile Devouge, artistes du collectif Des territoires, avec la participation de :
Christian Speissmann, architecte-urbaniste et inspecteur des sites de la Direction régionale de l’environnement (Diren) d’Île-de-France, à propos du récent classement d’une partie du site.
Martine Sciarli-Valazza, directrice de l’Association départementale pour la promotion des tsiganes (Adept), à propos de l’histoire et de la géographie de la présence tsigane à Montreuil et en Seine Saint-Denis et plus récemment sur des parcelles de murs à pêches du quartier Saint-Antoine et la participation de l’ensemble des artistes du collectif Des territoires, de l’Association Murs à Pêches, de l’Atelier Populaire Urbain de Montreuil.
Séminaire proposé dans le cadre de l’exposition Suites présentée à la Maison populaire jusqu’au 15 juillet 2004.
Informations
Commissaire : Jean-François Chevrier