Plutôt que rien : démontages

Jakob Gautel

samedi 5 mars 2011

Big Brother

Arroseur arrosé. Observateur observé. Chacun devient son propre Big Brother, pris au piège. J’ai passé plus de quatre heures dans l’espace de la Maison Populaire de Montreuil, à m’y déplacer, à interagir, dans la mesure du possible, avec les visiteurs, mon œil rivé sur la caméra vidéo fixée sur mon épaule.

La caméra est montée « à l’envers », je regarde non pas le viseur, mais l’objectif. L’image démesurée de mon œil, projetée sur le mur en temps réel, semble fixer le spectateur, observer, surveiller l’espace. Il est également visible sur l’écran de ma caméra, dirigé vers mon visage (comme un rétroviseur dans lequel se reflèterait mon regard). L’action dans l’espace est captée par une webcam, installée depuis le début de l’exposition à l’autre bout, face à la projection, et transmise sur le site web du centre d’art.
Pendant quatre heures, je fixe le trou noir de l’objectif, qui me paraît de plus en plus abyssal, et dans lequel je perçois par moment, au loin, selon l’éclairage, mon propre regard. Ma perception de l’entourage est réduite à une vision périphérique et floue. En réalité, je ne vois pour ainsi dire rien, tandis que rien ne semble échapper à cet œil omniprésent et impitoyable. Dans sa pupille se reflète l’espace entier, comme dans un miroir convexe.
Je finis l’après-midi les yeux irrités et emplis de larmes, dans un « duel » avec la webcam, posté face à elle, dans l’axe de la projection. Puis je ferme les yeux.

Jakob Gautel

Portfolio

Partager